Récit de noces savoureuses
On passe devant chez Guillaume. De superbes coquilles Saint Jacques fraiches laissent entrevoir sensuellement leur chair nacrée ourlée d’orange vif. Aussitôt achetées, un doute s’insinue. Avons-nous le bon vin pour accompagner les belles ? On pourrait faire un saut chez Vincoeur pour un conseil et un achat judicieux. Pas le temps. On doit avoir ce qu’il faut à la maison. Dans le frigo, on a mis au frais pour un apéritif avec des copains le C29 du Château Rey. Mariage audacieux, risqué peut –être ? Qui ne goûte rien n’a rien
Et la fête commence. Un parfum jaune séduit le nez, de fruits muris, d’agrumes gouteux, d’ananas fondant. L’odorat prend le large vers quelque île exotique. La couleur que tamisent la buée et ses perles appartient à la mer plus qu’à la terre, à l’or plus qu’à l’argent. Le vin dans le verre prend des irisations de nappes damassées. Fraicheur en bouche, tapissée d’herbes fraiches, vertes et humides que rend discrètement épicées l’iode marin des fruits de mer.
Puis l’ananas insinue sa présence raffinée, mais sans jamais imposer sa douceur. C’est à la fois moelleux et charpenté, solide mais tendre, souple et tenu comme le mouvement accompli d’un golfeur ou d’un gymnaste. Là réside peut-être le secret de ce vin blanc, car tout bon vin a sa combinaison secrète. Le mariage réussi de la force et de la caresse, de la fraicheur de l’agrume et de la chaleur de sa peau, du minéral et du charnel. Le vent, l’iode, la terre du Roussillon, la sève d’une vigne contrôlée ont enfanté ce vin.
La chair des coquilles qu’a relevée une persillade légère pommadée de beurre, fond dans la bouche avant que la lampée de vin là illumine les papilles. On ferme les yeux pour savourer la lumière sensible de cet instant d’équilibre parfait. Il pleut, mais le soleil luit.
Auteur : Jean Jordy